Depuis de nombreuses années déjà, Sri Swami Sivananda Sarasvati s’est installé dans un petit Ashram à Rishikesh, au point de départ de l’un des plus fameux pèlerinages de l’Inde, là même où le Gange quitte les derniers contreforts des Himalayas pour serpenter dans la vaste plaine. Dans ce lieu particulièrement recherché par les ascètes, et où sans doute bien plus de la moitié des constructions servent d’ermitages ou de monastères, des disciples sont venus se grouper peu à peu autour de lui, édifiant au fur et à mesure des besoins, d’autres demeures tout aussi modestes. Swami Sivananda n’oublie d’ailleurs pas qu’il a longtemps exercé la médecine, et son entourage et lui-même consacrent une partie notable de leur activité à soigner les malades – et aussi à nourrir les pauvres.
Dans l’Inde, le prestige de Swami Sivananda va croissant dans tous les milieux. On trouve ses publications dans les endroits les plus inattendus – j’en ai un jour vu dans le coffre fort d’une gare de chemin de fer – et les Indiens les plus illustres tiennent à venir lui rendre hommage. Dans divers autres pays se constituent également des groupes de disciples qui travaillent, sinon sous sa direction personnelle, du moins sous l’inspiration qu’ils puisent dans ses écrits. Ces derniers sont véritablement innombrables. Non seulement il ne se passe pas de mois, peut-être pas de semaine, sans que sortent de ses presses, à Rishikesh, de nouveaux livres ou brochures écrits par lui ou par ses disciples immédiats, mais plusieurs périodiques à tirage respectables (pour l’Inde tout au moins) sont entièrement consacrés à propager son enseignement.
Lorsqu’on arrive dans son Ashram on est en quelques minutes enfoui sous les textes de toutes sortes et de tous formats dont il comble le visiteur – sans compter les échantillons de produits pharmaceutiques qu’il fait fabriquer. Cette production systématiquement gigantesque est malheureusement parsemée de fastidieuses répétitions, de dithyrambes difficilement acceptables pour des Occidentaux, d’affirmations insuffisamment appuyées sur des faits, et mêmes de passages qui, à tort ou à raison, nous semblent des banalités ou des lapalissades. Cela décourage souvent le lecteur européen, et surtout le lecteur français, qui ne veut pas s’astreindre au pénible effort nécessaire pour dégager de cette énorme gangue les enseignements valables et utilisables.
Lorsque je le lui ai représenté, Swami Sivananda l’a admis avec l’humilité et la parfaite bonne grâce dont il est coutumier, et il m’a autorisé à puiser, à mon gré, dans l’ensemble de son œuvre, ce qui me paraîtrait le mieux convenir aux lecteurs de cette collection (« Spiritualités vivantes »). Sa généreuse confiance a même été jusqu’à me permettre de modifier ses textes afin de présenter ses idées sous la forme qui nous serait le mieux accessible et le plus utile, mais je n’ai pas eu à faire usage de cette faculté. Tout ce qui figure dans le présent volume est fidèlement traduit de l’original.
Avec l’aide de M. Charles Andrieu et de Mme Yvette Renoux, nous avons parcouru une masse considérable d’écrits publiés en anglais (la langue dans laquelle Swami Sivananda s’exprime le plus fréquemment, et écrit presque toujours) et nous en avons extrait les passages ci-après, qui ont été classés, arbitrairement, dans un ordre aussi clair et logique que possible. Mais la matière même se prête mal à une telle répartition ; aussi ai-je cherché à en atténuer les imperfections inévitables par un certain nombre de renvois qui relient les paragraphes abordant le même sujet sans voisiner dans le même chapitre. Je n’ai pas cru utile d’indiquer pour chaque passage la référence exacte à l’original, et d’ailleurs beaucoup de textes, parfois assez longs, se retrouvent identiquement dans plusieurs livres, parfois même à des pages différentes du même ouvrage. J’indiquerai cependant que nous avons puisé surtout dans les publications suivantes :
All about hinduism. Brahma vidya vilas. Easy steps to yoga. God-realisation. Gospel of divine life. Health and long life. Kundalini yoga *. Light divine. Mystic sage and yogi. Moksha Gita, the song of liberation. Path to god-realisation. Philosophy and teachings. Sadhak’s guide. Secret of self-realisation. Voice of the Himalayas. What becomes of the soul after death. Wisdom of Siva. World’s religions.
Certaines opinions exprimées par Swami Sivananda, notamment sur la science et la philosophie occidentales, paraîtront pour le moins étranges au lecteur français. Elles n’en sont pas moins fort intéressantes de connaître, non seulement parce qu’elles sont partagées par un très grand nombre d’Indiens cultivés, mais aussi parce qu’elles témoignent d’une manière d’envisager la vie et les échelles de valeur qui diffère totalement de la nôtre.
D’après sa façon même dont cette anthologie a été constituée, les pages qui suivent ne peuvent évidemment pas constituer un enseignement complet ; elles comportent d’immenses lacunes, que Swami Sivananda serait le tout premier à relever et à déplorer. Mais il n’est guère dans l’habitude des sages hindous de faire avec leurs disciples, proches ou lointains, un tour d’horizon complet. Ils préfèrent attirer l’attention de ceux à qui ils s’adressent sur certains points particuliers et leur donner à ce propos des thèmes de méditation précis, auxquels d’autres ne viendront s’ajouter que progressivement.
Du point de vue de la traduction, nous avons suivi l’excellente habitude qu’a Swami Sivananda d’indiquer dans ses livres le plus souvent les termes sanskrits qui sont présents à son esprit et quelques mots précisant l’acception dans laquelle ils sont pris dans le contexte particulier, et nous avons toujours respecté son interprétation. Une seule difficulté s’est présentée, pour le mot anglais « mind », que nous avons toujours rendu par « mental », bien que Swami Sivananda l’emploie dans des sens divers, correspondant à de nombreux termes sanskrits, sans qu’il précise lesquels. La même incertitude subsiste dans le texte français.
L’esprit très ouvert de Swami Sivananda, qui parle toujours avec le plus profond respect et la plus grande admiration de tous les autres Maîtres, m’a fourni l’occasion de répondre à un vœu souvent exprimé depuis qu’il existe en français un nombre important de texte émanant des grands instructeurs hindous contemporains. J’ai pris la liberté de donner à l’occasion de la plupart des titres de chapitres une brève bibliographie sélectionnée, renvoyant aux passages qui traitent du même sujet dans les œuvres analogues, notamment dans celles qui sont parues aux collections (« Spiritualités Vivantes »), « Les trois lotus », « Dieux hindous », « Les grands maîtres spirituels dans l’Inde contemporaine » (Derrain), « Les glossaires de l’hindouisme » (Adrien Maisonneuve), Adyar… J’espère que cela donnera toutes facilités aux lecteurs désireux de faire des comparaisons.
Enfin, à la demande même de Swami Sivananda, j’ai ajouté des notes explicatives sur les termes qui, familiers au lecteur hindou et ne nécessitant pas de commentaire, sont encore peu connus du lecteur européen - Jean HERBERT
290 pages